Flavien

Publié le par La Zitoune

J'ai revu Flavien dont je n'avais plus de nouvelles depuis la terminale (j'aurais pu dire depuis 1986, mais ça m'aurait vieillie).
On traînait ensemble à l'époque, depuis le collège. Allemand première langue, quelle idée saugrenue ! Elle n'était pas de nous, ça c'est sûr. En 6e, il pleurait tout le temps, pour une mauvaise note, parce qu'un prof l'engueulait, parce qu'il s'était pris le ballon en pleine poire au basket ou dans le bide au hand ou que Magali lui avait dit qu'il avait les dents de Bugs Bunny (c'était pourtant vrai). Elle passait son temps à lui demander : "Quoi d'neuf, docteur ?" C'te salope de Magali ! Même Nellie Oleson semblait courtoise à côté de cette saleté.
Donc, Bugs Bunny dégainait les larmes comme un bouclier, et sur commande. "Flavien au tableau !" et hop ! le voilà qui chiale et renifle ! Les chutes du Niagara. Un comédien, the pro du mélo. Au début c'était perturbant bien sûr, mais avec la répétition on avait tous fini par trouver ça normal. L'empathie n'aime pas beaucoup les habitudes. 
On a passé tout le collège dans la même classe. En 3e, l'enfoiré m'a collé un Malabar rose dans les cheveux, en plein cours de sciences nat' avec monsieur Perrot. Tout ça parce que je l'imitais en train de muer. Aucun humour le mec ! J'avais fait la gueule un moment, puis c'était passé... et la mèche coupée avait repoussé.
Le hasard nous avait également réunis au lycée. On s'aimait bien, comme des bons potes. On s'attendait au carrefour du nouveau cimetière pour finir le trajet à vélo ensemble. Et nous repartions dans l'autre sens après la fin des cours. Il me racontait sa vie et moi la mienne. On a même disséqué un oeil de boeuf ensemble, en biolo, avec madame ??? (impossible de me souvenir de son nom... c'était pourtant hier !). J'ai enfoncé le scalpel dans le globe et paf ! l'humeur vitrée a giclé ! Flav l'a reçue en pleine tronche. J'avais failli vomir. On riait tellement qu'on n'est pas passé loin de l'heure de colle.
Mais il n'y avait pas d'attirance entre nous. Je ne saurais pas trop dire pourquoi. Sa coupe de cheveux à la Serge Lama, ptêt, ou une incompatibilité phéromonale, plus sûrement.
Ce qui n'était plus le cas pour c'te p*** de Magali, en 2nde 4, qui - elle - avait bien changé d'avis sur le râtelier appareillé de Flav, métamorphosé par ce début d'orthodontie. Vu comme elle lui suçait la pomme sur le banc, celui sous l'arbre vers le préfabriqué, on peut affirmer qu'elle ne faisait pas d'allergie au métal, c'te dévergondée ! 
Puis, après avoir rompu brutalement et sans explication, la péripatéticienne s'était mise à rouler des pelles à un type de terminale, beau comme un Ciao Piaggio trafiqué à double pot catalytique. Flavien faisait celui qui s'en foutait, mais je voyais bien qu'il avait les boules. Quand elle s'est fait larguer, il jubilait. Fair-play, iI avait même payé son coup au bar. 
En première, pour la première fois, je n'ai pas vu son nom sur ma liste de classe à la rentrée. On se retrouvait pendant les récrés... et en cours d'allemand, avec cette poufiasse de madame Michalon (Frau Michalair). On sortait le week-end avec une petite bande bien sympathique. Tout le monde roulait plus ou moins des galoches à tout le monde, sauf moi qui étais prude, chaste et vierge. Je n'ai pas changé.
Puis le bac, les études et la vie. Flav à Lyon, moi à Saint-Étienne puis à Grenoble puis à Paris puis retour à ****. Des pensées. Des souvenirs. Des regrets. Et un jour, le téléphone ! "Salut c'est Flavien ! J'ai eu ton numéro par Jipé ! On se retrouve tous chez moi demain, à Lyon, tu viendras ?" Un peu mon poto que j'viendrai !

Quelle sympathique soirée !
Surtout le moment où - tout en fixant Flav - j'ai sorti de ma bouche un énorme Malabar rose (acheté pour l'occasion) avec ma main droite et, lui faisant un signe de moulinet au niveau de ma tempe avec l'index de ma main gauche, lui ai dit : REMEMBER ! avec la voix de Dark Vador.
Il a percuté direct - je l'ai lu dans ses yeux écarquillés. Et il a souri à pleines dents (bien droites et alignées ; RIP Bugs).
C'est alors que j'ai soigneusement scotché ma munition gluante sous sa table basse de salon en chêne massif, en précisant : "Je te l'aurais bien volontiers collé dans les cheveux, MAIS T'EN AS PLUS !!!"

Flavien

Publié dans Historiettes

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