Que la bête meure / Claude Chabrol

Publié le par La Zitoune

Après des études de droit au cours desquelles il côtoie Jean-Marie Le Pen :-(, Claude Chabrol participe en tant que critique de cinéma au lancement de la Nouvelle Vague - mouvement cinématographique apparu en France à la fin des années cinquante - aux côtés de ses collaborateurs aux Cahiers du cinéma (Truffaut, Rivette, ...). On voit apparaître une nouvelle façon de produire, de tourner, de fabriquer des films qui s'oppose aux traditions et aux corporations. Le goût des tournages en extérieur impose une nouvelle esthétique plus proche du réel.

Chabrol a beaucoup fait jouer la comédienne Stéphane Audran, qui fut aussi sa femme jusqu'en 1980. Ses films sont une analyse acide de la bourgeoisie, dont il traque l'hypocrisie ; son objectif affiché : montrer que derrière le conformisme se cachent souvent la haine et des vices divers et variés.

À la fin des années 70, il effectue un tournant en optant pour des sujets plus éclectiques ; sa rencontre avec la jeune Isabelle Huppert, qu'il contribue à révéler, est décisive.

Que la bête meure (1969) : un chauffard (Paul Decourt/Jean Yanne) tue un môme dans un village de Bretagne et prend la fuite en faisant taire sa passagère horrifiée par un "ta gueule" sans appel. Charles Thenier (Michel Duchaussoy) - père de l'enfant, veuf et écrivain de contes pour la jeunesse - décide de retrouver le coupable et de se venger.

L'enquête de police piétine, mais il a plus de chance qu'elle : un paysan à l'accent terrible a vu un couple nettoyer sa voiture de sport non loin du lieu de l'accident, le jour de l'accident ; l'aile gauche était endommagée. La femme serait Hélène Lanson (Caroline Cellier), une actrice.

Charles tient un journal intime dans lequel il consigne les étapes de l'enquête qu'il mène en solo. Il part à Paris, utilise son pseudo d'écrivain - Marc Andrieu - et devient l'amant d'Hélène. Il comprend qu'elle est plus une victime qu'une coupable. Elle lui parle de Paul, son beau-frère antipathique, dont elle a été la maîtresse - le plus ignoble souvenir de sa vie, précise-t-elle. Il est garagiste et vit à Quimper. Hélène mènera Charles jusqu'au repaire de la Bête.

Il découvre alors une ordure sans nom, un être sordide, infect, infidèle, vulgaire, sans coeur, haï de tous, une certaine incarnation du Mal, qui maltraite et humilie sans cesse et en public sa femme et son fils Philippe, un adolescent. Ce dernier déteste son père à un point inimaginable, celui de rêver qu'il meurt et d'avoir envie de le tuer. Charles deviendra son ami, après qu'il l'aura défendu ; il sera une sorte de héros, le père qu'il aurait voulu avoir. Ils ont un point commun : la haine vouée au même homme.

Notons également que la mère de Paul est aussi abjecte que son fils, une espèce de vieille peau qu'on bafferait sans vergogne. Ca collerait des circonstances atténuantes à n'importe quel fils une mère pareille.

Bien sûr, si Charles avait fait la rencontre d'un être rongé par le remords, un pauvre type, l'histoire aurait été bien différente, mais c'est loin d'être le cas. Charles dit d'ailleurs que sa joie de supprimer cet être abominable sera dorénavant doublée.

Jean Yanne joue à merveille le rôle de l'ordure, on le hait !

La scène dans laquelle Charles et Hélène attendent Paul chez lui en compagnie de sa femme, son fils et un autre couple est à hurler de rire. Tous ces gens-là, très mondains, se parlent mais n'ont rien à se dire ; toutes les banalités et platitudes échangées sur le temps en Bretagne, la circulation à Paris et le Nouveau roman montrent à quel point Chabrol peut mépriser la mascarade sociale et les bonnes manières des gens friqués. C'est truculent, l'humour de ce réalisateur est tellement corrosif.

Plus tard, alors que Charles s'est arrangé pour devenir un intime de la famille Decourt, Paul glisse d'une falaise, il peut alors le tuer mais est dérangé par l'arrivée d'Hélène. Puis, alors que les deux hommes sont seuls sur un bateau au large, Paul pointe son révolver sur Charles. Il a lu le journal de son "ami" et découvert son plan détaillé pour le supprimer ; il le ridiculise, l'humilie et le jette en dehors de sa maison, en l'informant que le journal est dans les mains d'un avocat qui le remettrait à la police s'il lui arrivait malheur.

Hélène part avec Charles, qui lui avoue être le père du petit garçon tué sur la route et quel était son objectif en la rencontrant, lorsque la radio annonce la mort de Paul, empoisonné avec de la mort-aux-rats (sacré Chabrol). Charles fait demi-tour.

ATTENTION : si tu as l'intention de voir ce film, ne lis pas ce qui suit. La fin est magistrale !

Comme prévu, la police détient le journal de Charles et les soupçons se portent naturellement sur lui. Notons l'apparition de Maurice Pialat en commissaire de police très crédible. Charles essaie de convaincre le commissaire qu'il n'est pas bête au point de se jeter lui-même dans la gueule du loup, puisqu'il savait que son journal le trahirait. Le commissaire lui dira plus tard qu'il a compris son manège : le journal n'était écrit que pour être découvert, pour noyer le poisson.

On comprend alors que Charles a tout manigancé depuis le début, froidement, porté par sa douleur et la haine. La manipulation et le calcul rendent de suite cet homme moins sympathique et l'éloignent du Bien qu'il était supposé incarner. Il voulait que Paul puis la police découvrent son journal. C'est machiavélique ! Plus de manichéisme qui tienne.

Mais Philippe s'accuse du meurtre de son père et apporte au commissaire le flacon dans lequel a été versé le poison. Charles est relâché, mais il écrit à Hélène et avoue afin d'innocenter l'adolescent. Il dit qu'il éprouvait une telle haine pour Paul qu'il ne voulait pas sacrifier sa vie pour se venger ; son journal lui aurait permis de donner l'impression que sa vengeance échouait en plein jour alors qu'il l'assouvissait en secret.

Il ne peut se résoudre à laisser Philippe s'accuser pour le sauver. Il ajoute : Je pensais être devenu aussi froid que la lame d'un couteau, mais le coeur est bien plus long à mourir qu'on ne pense. Il dit à Hélène que dans d'autres circonstances il l'aurait aimée. Puis, il monte sur son bateau et part au large. On comprend qu'il va se suicider. La Bête devait mourir mais l'homme aussi. Il a eu peur de la prison et préfère choisir son châtiment.

Certains disent qu'on ne sait pas trop qui, du père ou du fils, a tué Paul. Pour moi c'est Charles, après avoir élaboré un scénario digne d'un psychopathe.

Plusieurs questions se posent dans ce film : les mêmes que dans La petite Lilia de Reda Mustafa ; j'ai la flemme alors va lire l'article :-))

http://zitoune.over-blog.fr/article-la-petite-lilia-51738111.html

Certains trouvent que les films de Chabrol sont lents. Personnellement, je ne m'ennuie jamais, les silences et les longueurs sont remplis de tellement de choses mêlées, et souvent de touches d'humour. Aurai-je un jour l'occasion de voir un Chabrol qui ne me plaira pas ? J'en doute.

Un polar psychologique qui rend hommage au surnom de ce réalisateur : Le Hitchcock français.

Du même réalisateur, voir Le boucher : http://zitoune.over-blog.fr/article-le-boucher-52101838.html

Que la bête meure / Claude Chabrol
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E
<br /> ben oui je regarde le foot! Mais pas de bière, ni des chips, plutôt du thé et ... du chocolat! Avec modération... Je suis plus sucré que salé<br /> <br /> <br />
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L
<br /> C'est bien les vieilleries, je t'assure...<br /> M'en fous que la France gagne ou pas, j'aime pas le foot et j'ai pas la télé ! :-) Léo s'est barré chez un copain pour voir le match. Et toi ? soirée chips et bière ??? hi hi hi<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Tu revisites le passé, toi! Et dans ta médiathèque, pas de film un peu plus récent sur lequel je pourrais dire quelque chose? Parce que là, pfff, rien à dire, ce n'est pas un film dont je me<br /> souviens.<br /> Allez la France! ;-)<br /> <br /> <br />
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