Extraits choisis de livres

Publié le par La Zitoune

Plutôt que de recopier sur des bouts de papier des phrases écrites par d'autres dans des livres, des fulgurances d'auteurs qu'on aime lire et relire jusqu'à plus soif, autant les "ranger" ici au fur et à mesure. Plus de risque que l'encre disparaisse avec le temps ni d'oublier l'émotion associée à la lecture.

Fédor Dostoïevski - Souvenirs de la maison des âmes mortes - 1862 - "En hiver, on nous enfermait très tôt. Puis, pendant quatre heures encore, jusqu'à ce que tout le monde fût endormi, ce n'était qu'un vacarme indescriptible de rires, de jurons, de chaînes qui s'entrechoquaient, une odeur horrible et une fumée âcre où se mouvaient têtes rasées, faces flétries, vêtements en guenilles, - bref, le fin fond de l'abjection. Réellement, l'homme a l'âme bien chevillée au corps ! L'homme, en somme, est un être qui s'habitue à tout et, à mon avis, c'est là sa meilleure définition. Nous étions, dans cette prison, environ deux cent cinquante - chiffre presque invariable. Les uns arrivaient, les autres sortaient, parvenus au terme de leur peine, ou s'en allaient... les pieds devant."

Laurent Gounelle - Le philosophe qui n'était pas sage - "Sandro se retrouva nu, incapable de cacher son émoi, gagné par un mélange ineffable de honte et de fierté. Elle ne sembla pas prêter la moindre attention à son encombrante ardeur. [...] Des larmes plein les yeux, elle déposa un baiser sur ses lèvres froides, puis posa la tête sur son torse, refusant sa mort, s'accrochant désespérément à lui, sentant son odeur, le serrant ardemment contre elle. Et soudain elle sentit... ce qu'un homme mort n'est assurément plus en mesure d'avoir. Elle se redressa d'un coup.  - Sandro !"

Stephen King - La petite fille qui aimait Tom Gordon - "Le souffle finit par lui manquer et elle resta allongée sur le dos, contemplant le firmament. Elle avait mal au ventre et ses hurlements lui avaient mis la gorge à vif. Pourtant elle se sentait soulagée, comme si elle venait d'évacuer de dangereuses toxines. Elle se couvrit le visage d'un bras et, reniflant toujours, sombra dans le sommeil." Lire : http://zitoune.over-blog.fr/article-la-petite-fille-qui-aimait-tom-gordon-122639926.html

Jonas Jonasson - Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire - "Benny était celui d'entre nous qui connaissait le mieux Per-Gunnar et il nous affirma qu'il pouvait patienter quelques jours pour récupérer ses bibles. Il nous dit qu'après tout elles ne contenaient pas de nouvelles fraîches, et nous ne pouvions pas le contredire sur ce point. En même temps, on ne pouvait pas le laisser attendre ad vitam aeternam, car le jour où Jésus reviendrait effectivement sur terre, tous les chapitres annonçant son retour deviendraient obsolètes..."

San-Antonio - Le silence des homards - "La vendeuse de targettes, pour dire la vérité, on a été soulagés de se quitter. Moi, découiller dans ces conditions, j'aime mieux aller au cinéma ou au restaurant chinois. Faut dire que je suis un enfant gâté. Je tire de la pouliche de race, de l'experte aux initiatives poussées. Ou alors, il me faut de la frémissante maladroite mais qui en veut. Une qui a l'instinct du radada, comprends-tu ? Qui fait miches de tout bois. De la sensorielle, quoi, avec laquelle tu crains pas de rester en rideau et qu'aime se faire émoudre l'escalope". [...] "Ma seconde visite m'apporte chez un vrai couple chenu. Du genre de ceux qui ont tant vécu ensemble qu'ils n'ont même plus la force de se haïr. Pour s'occuper, ils sont malades et soignent leurs maux séparément, sans s'occuper de ceux du conjoint. Le monsieur est en train de faire des fumigations, la dame de soigner des plaies variqueuses qui feraient dégueuler des rats d'égout atteints de dermatose herpétiforme."

Antoine de Saint-Exupéry - Le Petit Prince - "- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi ! - Que faut-il faire ? dit le petit prince. - Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près..." Lire : http://zitoune.over-blog.fr/article-eloge-du-petit-prince-124203067.html

Philippe Labro - La traversée - "Il me semble que je n'ai jamais pu jusqu'ici, écouter la musique aussi intensément. Au concert ou ailleurs, toujours quelque chose venait me distraire : une pensée, un souci, une incidente, et je ne réussissais pas entièrement à absorber la musique, quelle qu'en fût la qualité ou celle de l'interprète. J'estimais que c'était une forme d'impuissance, une incapacité de m'abandonner entièrement à la beauté. Et voici que dans la nuit de juin, les deux écouteurs fichés dans mes oreilles, je suis, pour la première fois, livré à la musique, enveloppé par les sons. [...] Comme si j'avais acquis de nouvelles dispositions pour distinguer, retenir et goûter ce qui est beau. Ne plus être perturbé, diverti, être capable de ne se délecter de rien d'autre que de ce que l'on goûte, au moment où on le goûte."
 
Fédor Dostoïevski - Crime et châtiment1866 - "Comment cela se produisit, Raskolnikov lui-même ne s'en rendit pas compte, mais soudain ce fut comme si quelque chose l'eût saisi et jeté aux pieds de Sonia. Il pleura, étreignant ses genoux. Tout d'abord elle fut grandement effrayée, et son visage se couvrit d'une pâleur mortelle. Soudain elle se leva et le regarda en tremblant. Mais aussitôt, d'un seul coup d'oeil, elle comprit tout. Ses yeux se mirent à rayonner d'un bonheur sans borne ; elle avait compris - elle n'en doutait plus - qu'il l'aimait, qu'il l'aimait infiniment, qu'enfin cette minute était venue..."
 
John Steinbeck - Des souris et des hommes - "Brusquement, il s'écria avec colère : - Pourquoi t'es-tu laissé tuer, nom de Dieu ? T'es pas aussi petit que les sourisIl ramassa le chiot et le lança loin de lui. Il lui tourna le dos. Assis, les genoux relevés, il murmura : - Maintenant, je n'soignerai pas les lapins. Maintenant, il n'me laissera plus le faireEt, dans son désespoir, il oscillait d'avant en arrière."
 
Leïla Slimani - Chanson douce (Goncourt 2016) - "La solitude agissait comme une drogue dont elle n'était pas sûre de vouloir se passer. Louise errait dans la rue, ahurie, les yeux ouverts au point de lui faire mal. Dans sa solitude, elle s'est mise à voir les gens. A les voir vraiment. L'existence des autres devenait palpable, vibrante, plus réelle que jamais. Elle observait jusque dans les moindres détails les gestes des couples assis aux terrasses. [...] Chaque jour, elle rencontrait des compagnons en folie, parleurs solitaires, déments, clochards.
La ville, à cette époque, était peuplée de fous.
[...] Elle boit et l'inconfort de vivre, la timidité de respirer, toute cette peine fond dans les verres qu'elle sirote, du bout des lèvres."
 
Virginie Despentes - Vernon Subutex 1 - "On dit que les hommes vieillissent mieux que les femmes mais c'est faux. Leur peau perd plus vite son élasticité, surtout quand ils fument et boivent. C'est flasque, on a l'impression que ça pourrait s'effriter sous la pulpe des doigts. [...] Les hommes de son âge la dégoûtent, quand les couilles pendent et ressemblent à des têtes de tortues sclérosées."
 
Louis-Ferdinand Céline - Voyage au bout de la nuit - "Ce n'est point qu'elle fût laide, Mme ...., non, elle aurait même pu être assez jolie, comme tant d'autres, seulement elle était si prudente, si méfiante qu'elle s'arrêtait au bord de la beauté, comme au bord de la vie, avec ses cheveux un peu trop peignés, son sourire un peu trop facile et soudain, des gestes un peu trop rapides ou un peu trop furtifs. On s'agaçait à démêler ce qu'il y avait de trop calculé dans cet être et les raisons de la gêne qu'on éprouvait en dépit de tout, à son approche."
 
Josef Schovanec - "En 2e année après le bac, l’une de mes camarades de classe m’a demandé de la regarder fixement dans les yeux. C’est là que j’ai compris qu’elle avait des lentilles. Avec le recul, je pense que l’objectif n’était pas de constater qu’elle avait des lentilles…"
 
Pierre Lemaitre - Trois jours et une vie - "Mme Courtin entretenait avec la religion des rapports prudents et fonctionnels. Elle avait envoyé Antoine au catéchisme par précaution, mais n'avait pas insisté lorsqu'il avait souhaité ne plus s'y rendre. Elle fréquentait l'église quand elle avait besoin de secours. Dieu était un voisin un peu distant qu'on avait plaisir à croiser et à qui on ne rechignait pas de demander un petit service de temps à autre. Elle allait à la messe de Noël comme on visite une vieille tante. Il entrait aussi dans cet usage utilitaire de la religion une large part de conformisme. Mme Courtin était née ici, c'est ici qu'elle avait grandi et vécu, dans une ville étriquée où chacun est observé par celui qu'il observe, dans laquelle l'opinion d'autrui est un poids écrasant. Mme Courtin faisait, en toutes choses, ce qui "devait" se faire, simplement parce que c'était ce que, autour d'elle, tout le monde faisait. Elle tenait à sa réputation comme elle tenait à sa maison et peut-être même comme elle tenait à sa vie car elle serait sans doute morte d'une faillite de sa respectabilité. [...] L'activité religieuse était assez saisonnière. La plupart des fidèles revenaient à la messe lorsque l'agriculture était en difficulté, quand les prix du bovin entraient en récession ou que les usines de la région préparaient des plans de licenciement. L'église proposait une prestation, on se comportait comme des consommateurs."
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C
Alors là y'a du grand San Antonio !
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