Justice ?

Imaginez deux mecs - un Somalien et un Libyen - obligés de quitter leur pays natal pour fuir une mort certaine. Ils sont Noirs, donc. (Gueule pas tout de suite, tu verras plus tard que cette remarque avait une raison d'exister !).
Yasin et Mohamed (Noirs donc) arrivent en France après avoir connu l'enfer du parcours des réfugiés. Ils sont tous les deux médecins (Noirs). Ils vivotent un temps dans un camp de fortune ou sous le métro aérien à Paris ; je ne sais pas trop, mais après la mer, ils en bavent à nouveau sur la terre. Arrivés à destination mais pas tirés d'affaire (et toujours Noirs), ils apprennent le français, font des stages dans des hôpitaux et entament des procédures pour pouvoir exercer leur métier en France.
Puis la pandémie déboule. Les hostos craquèlent, les soignants fissurent, les malades s'asphyxient et beaucoup meurent faute de respirateur. C'est un combat, mais pour ces deux hommes (Noirs) qui l'ont connue... ce n'est pas une guerre. Ils restent calmes et concentrés. Yasin et Mohamed (encore Noirs) se proposent alors pour rejoindre la lutte contre le Covid-19 et aider à sauver des vies (de Blancs la plupart du temps) ; ce pour quoi ils ont étudié de longues années, en somme. Mohamed, le Libyen (Noir noir), allait devenir chirurgien quand la violence l'a obligé à tout abandonner pour sauver sa peau (noire). Yasin (Noir un peu moins Noir mais Noir tout de même) exerçait en Somalie depuis quelques années. Ils se proposent tous deux pour rejoindre les équipes médicales (très blanches) et être utiles dans cette situation d'urgence sanitaire.
Imaginez que l'État, le ministre de la Santé, le personnel hospitalier, tout ce monde soit unanimement intelligent, pragmatique, humain et que tout se combine magnifiquement bien pour que Mohamed et Yasin participent à l'accueil et aux soins des victimes du coronavirus et intègrent les équipes débordées sur le terrain.
Et maintenant, imaginez un vieil homme qui contracte la maladie et se pointe aux Urgences. Il refuse d'être ausculté par une femme. Il crie, vocifère, son œil droit semble lui sortir de la tête, il bave, éructe, menace l'hôpital de poursuites judiciaires et - à bout de souffle, dans une quinte de toux épouvantable - s'évanouit sur son brancard en lâchant un pet d'effort, dans sa chambre à gaz.
Le vieil homme se réveillera quelques heures plus tard, fiévreux, intubé et encadré par Mohamed et Yasin (plus Noirs et réfugiés que jamais).
Il vomira - mélange d'effroi et de dégoût - en perdant un œil dans la bassine.
Pas la guerre ni un point de détail, mais une Victoire. N'EST-CE PAS ?!