Biopsie du nichon droit

Publié le par La Zitoune

J'ai hésité à écrire cet article, puis me suis dit que les plus gênés s'en iraient, et aussi que ça pourrait rendre service à d'autres femmes, et enfin que ça me ferait du bien de coucher mon épouvante sur le papier.

Mercredi 25 juin : je me dirige vers le Centre d'imagerie médicale pour passer une mammographie de routine. Confiante, je me fais ratatiner les seins par la machine. La technicienne n'est ni agréable ni désagréable, elle fait son taf, point barre. Elle me serre les mamelles entre deux plaques comme s'il s'agissait de vulgaires tranches de jambon, sans état d'âme particulier, en semblant un peu oublier qu'au bout il y a une femme. Elle n'était pas réjouie de parcourir le Centre à la recherche d'une collerette en plomb, réclamée par mes soins pour ne pas irradier inutilement ma thyroïde. A croire que personne d'autre n'en connaît l'intérêt.

Dès que je réponds par l'affirmative à sa question sur d'éventuels antécédents familiaux concernant le cancer du roploplo, elle se raidit un tantinet et griffonne sur mon ordonnance. Puis, elle m'intime l'ordre de prendre mes affaires et me conduis dans une petite pièce annexe, pour une échographie complémentaire. Après m'avoir dit de m'allonger sur la table, L'impassible s'en va sans un sourire, en traînant du sabot. Les rayons X entament peut-être le capital chaleur humaine à force.

Etendue, les boîtes à lolo à l'air, je gamberge à 50 à l'heure. Et s'il trouvait quelque chose ? Meuh non... me rassuré-je, alors que le médecin radiologue fait son entrée. Il empeste la transpiration à plein nez. L'examen se déroule et vlatipas qu'il me lance, à brûle-pourpoint, après avoir comparé son écran avec un ancien cliché : Je vois quelque chose qui n'existait pas il y a deux ans. Je ne sais pas mettre un nom dessus. Ce n'est pas un kyste, ni un nodule, ça ressemble à un fibroadénome mais il faut en être sûr compte tenu de vos antécédents. C'est sans doute bénin, mais on va faire une biopsie. Les yeux en dehors des orbites, je prends instantanément une suée et demande fébrilement : Euh... ça consiste en quoi une biopsie ? Quelque peu brutalement, le scientifique me répond : On anesthésie localement et on ponctionne trois fois avec une aiguille.

Comme je réfléchis à 200 à l'heure et que maladroitement je dis tout haut que je vais demander un second avis, Dieu se vexe et grogne : C'est votre droit hein, mais on a l'habitude vous savez. La colère monte (moyen de défense psychique bien connu) et je le rembarre, cinglante : Oui, vous avez l'habitude, mais pas moi ! On vous a déjà planté des aiguilles dans un testicule vous ? Il ne répond pas, et trouve normal de quitter la pièce sans me dire au revoir. Ne sachant que faire de ma peau, j'attends dans un petit couloir sans éclairage. Une sorcière me tombe dessus : Que faites-vous là ? Sortez ! Elle en a pris pour son grade la venimeuse, on n'est pas des animaux tout de même. Comment peut-on choisir de travailler dans le monde médical si l'on n'aime pas les gens ?!

Me voilà sur le trottoir, assommée par la nouvelle, tendue comme une arbalète, à me demander ce que je dois faire ou ne pas faire. Je lis et relis ce qu'a écrit Transpiratator : ... image tissulaire a priori bénigne... prélèvements micro-biopsiques souhaitables...

Je ne peux pas demander l'avis du public alors je choisis le coup de fil à une amie (infirmière) ; elle me conseille de prendre l'avis de mon gynécologue, en qui j'ai confiance. Comme je larmoie au téléphone, la sensible secrétaire de ce dernier me dégotte un RDV dans quelques jours.

Mes nuits sont courtes, ma pensée fuse dans tous les sens. Je ne réussis pas très bien à canaliser l'angoisse qui se distille vicieusement dans mes veines. Pour l'instant, j'ai plus la frousse de la biopsie que du résultat. Je me répète comme un mantra : il a dit a priori bénin, il a dit a priori bénin, il a dit a priori bénin, il a dit a priori bénin, ...

Lundi 30 juin - 10 h : ma kinésithérapeute m'écoute attentivement lui confier ma trouille viscérale de l'acte médical qui m'attend peut-être. Et, elle trouve les mots magiques pour dompter mon affolement. Je ne saurais même pas dire exactement ce qu'elle m'a dit, mais je suis sortie de son cabinet convaincue que je devais rester positive quoi qu'il advienne. Il est de ces personnes - malheureusement trop rares - qui ont véritablement choisi de s'occuper des autres, d'en faire leur métier et qui, même après deux dizaines d'années d'exercice professionnel, sont toujours intactes. Je lui exprime ma gratitude, elle l'entend.

16 h : j'explique mes doutes à mon gynéco chevelu. Il confirme la nécessité d'une biopsie pour être certain de la bénignité du machin filandreux. L'IRM laisserait une incertitude et entraînerait une surveillance rapprochée, et anxiogène. L'ébouriffé m'ausculte et confirme qu'à la palpation on ne "voit" rien. Puis, très enveloppant, il termine la consultation par ces mots rassurants : Transpiratator est le meilleur dans la région pour interpréter les images, il ne se trompe presque jamais, s'il dit que c'est bénin il y a de fortes chances pour que ce le soit. Faites ce qu'il vous dit, vous aurez l'esprit tranquille. Vous avez des antécédents, on ne peut pas prendre de risque.

Je fonce au Centre d'imagerie médicale et supplie pour obtenir un rendez-vous rapide pour la micro-biopsie. Je ne dors pas depuis cinq nuits, je ne vais pas pouvoir tenir encore très longtemps. On ne peut plus charitable, la minette à l'accueil va directement voir Transpiratator, et m'annonce toute guillerette qu'il m'a rajoutée dans son agenda overbooké... pour le jeudi suivant.

Je n'en reviens pas ! Conséquence ou pas de ma franchise avec lui le jour de l'échographie ? Je ne le saurai jamais, mais j'éprouve un certain plaisir à le penser.

Trois jours d'attente. Je gère, je positive, j'objective, je rationalise, j'ironise et, surtout, je m'occupe la tête... afin de ne pas être complètement obsédée par mon airbag latéral.

Jeudi 3 juillet : une petite brunette vient me chercher dans la salle d'attente, me conduit dans un couloir, récupère le flacon d'anesthésiant que je suis allée moi-même chercher à la pharmacie et m'explique le déroulement des festivités à venir. A peu près zen jusque-là, l'émotion me submerge, je craque. Je roule à 2000 à l'heure.  Elle dit ce qu'il faut dire, et je me calme (un peu).

Transpiratator surgit, vêtu de blanc, tout sourire. Il sent bon ! Je ne reconnais pas le bonhomme tellement il est agréable. En confiance, j'exécute les ordres sans sourciller (oui oui, rigole pas) : me tourne sur le côté, laisse Brunette me badigeonner le nibard de Bétadine ; Transpi me sonde le néné et décide d'utiliser la petite aiguille plutôt que la grosse ; son choix me sied. Ils m'expliquent tout dans le moindre détail, elle me tient la main lorsqu'il m'annonce qu'il va piquer pour infiltrer tout doucement le liquide anesthésiant sur tout le parcours de la ponction, jusqu'au nodule. Nodule ? il n'avait pas dit ça le jour de l'écho ! Bah... allez Zitoune, il sait ce qu'il fait, laisse tomber. Je ne regarde pas, je pense à mon fils qui s'éclate dans le Sud-Ouest avec son meilleur ami, au match de foot du lendemain qui ne manquera pas de le mettre en liesse (ou pas), à ce gros dessert que je vais m'ingurgiter en sortant d'ici. Transpi me dit suavement : Ayé, le liquide se répand, il y en a pour deux minutes seulement. Euh... je n'ai rien senti du tout, un picotement moins intense que pour une prise de sang. Puis, c'est la ponction, en quatre fois (il avait dit trois !) une espèce d'aiguille émet un claquement sec et sonore, et prélève de la matière à l'intérieur de mon globe. Mon bras droit, en l'air depuis un moment, s'ankylose. Je ne ressens aucune douleur. Des larmes de soulagement coulent sur mes joues.

Transpi conclue : Voilà, c'est fini, j'envoie les prélèvements au laboratoire aujourd'hui, vous aurez les résultats mardi prochain. Nous allons prendre RDV afin que je vous les remette en main propre. Les fragments de tissus prélevés sont bien blancs, c'est certainement bénin. J'aperçois l'aiguille et me dis : Ah oui quand même ! Transpi me salue et s'en va trouer d'autres femelles apeurées, que j'aimerais pouvoir apaiser, mais je n'ai pas le temps, une douceur très sucrée m'attend, et ma mère aussi.

J'exprime ma reconnaissance sincère à Brunette pour sa présence contenante, et m'en vais dévorer une gigantesque part de tarte au citron meringuée, dégoulinante de crème. Après l'effort, le réconfort. Un onguent pour mon âme secouée. 

Vendredi 4 juillet (aujourd'hui donc) : j'ai le robert un peu endolori, un peu bleu. Rien de méchant. J'évacue le stress et me répète en boucle que Non non, je n'aurai pas d'autres articles à écrire sur le sujet ; mardi, Transpiratator va me dire (la bouche en coeur) que je n'ai rien du tout, et je vais recommencer à croquer la vie en pleine santé.

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Publié dans Mes réalités

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L
Merci pour ton petit message. Je note que mardi on bouffe comme des truies ! Yessss ;-)))
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L
Je comprends l'angoisse et je sais de quoi je parle. Allez ma Zitoune, fais confiance en ton mental fort comme un soldat du feu... Tu verras que ce n'est rien, mais ce qui n'empêche pas de vérifier<br /> quand il y a un doute. Mon adorable chirurgien m'avait dit ces mots magiques:"on ne fait pas des examens pour chercher les problèmes mais pour se prouver qu'il n'y a rien".<br /> Et voilà c'est reparti comme en 14.<br /> Pas d'inquiétude, mardi on s'en mettra plein la lampe pour fêter ça.<br /> Courage Zitoune des îles...
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