Richard

Publié le par La Zitoune

Portrait 

 

Dans le salon de Richard, on a poussé les meubles et la fête bat son plein. Des couples dansent la salsa, d'autres font connaissance, certains fument des herbes aromatisées sur le balcon, entre deux piqûres de moustique, et/ou se servent du planteur maison dans le frigo. Ce dernier a un goût de reviens-y !
La porte d'entrée est grande ouverte, celle du garage également. Dire que l'on entre dans cette maison comme dans un moulin est en dessous de la réalité. Les invités arrivent par grappes de deux ou trois, les bras chargés de victuailles salées et sucrées.
Fabien, très fier de ses poivrons à la feita et de son gâteau au caramel au beurre salé leur a trouvé une place de choix.

Richard, c'est l'ami de Fabien, et maintenant un peu le mien j'espère. Les deux compères se sont connus sur leur île, en Martinique donc. Et plus précisément à la fac d'éco, et encore plus précisément : en glandant entre deux cours, assis sur le forum du campus, entre "un petit" (oinj) et "une petite" (bière).
Un béké et un kéké ! 😆
Un Blanc créole descendant des premiers colons et un métis né à Paris de mère d'origine polonaise. Un descendant d'un propriétaire d'esclaves et un descendant d'esclaves. L'histoire délirante du monde au fond d'un verre de rhum bien bien arrangé.

Les entendre parler créole m'emplit d'une joie enfantine, comme si je lisais à toute vitesse un texte écrit dans une langue étrangère inconnue dont je capterais quand même la poésie et les images sucrées ou pimentées. Gelée de goyave ou féroce d'avocat.

Richard, je l'ai vu quatre fois. La première fois, je me suis dit que je comprenais parfaitement pourquoi il était l'ami de mon jules. Cortiqué, habité et entier. La deuxième fois, j'ai pu entrapercevoir son île intérieure, pleine de lianes, de plantes grimpantes, de labyrinthes végétaux et peuplée d'animaux fantastiques tout droit sortis de la mythologie grecque. Une sorte de Pégase qui aurait suivi Icare et se serait brûlé le bout des ailes. Cortiqué, habité, entier et tourmenté. La troisième fois, il était skipper et venait d'accoster à Belle-Île-en-Mer. Cortiqué, habité, entier, tourmenté et aventurier. La quatrième fois, j'ai vu l'ogre en lui, prêt à dévorer la vie, nourri de ses recherches et multiples découvertes, débarrassé, délesté, plus léger. Cortiqué, habité, entier, tourmenté, aventurier et repu, mais plus jamais saoul. Juste congruent, dans une furieuse envie d'équilibre.
Penser ce qu'il est. Être ce qu'il pense.

Richard se pose des tonnes de questions, mais il cherche surtout des réponses, avec la  précision du pâtissier, la minutie de l'horloger, la méticulosité de l'orfèvre, la rigueur du comptable et la ténacité du dresseur de fauves.
Dès lors que l'on a un cerveau comme le sien, un genre de highway aux nombreux méandres, qui permet d’aller jusqu’à chez soi à grande vitesse, on subit des péages et des taxes sur la valeur ajoutée. La liberté sans se considérer soi-même comme un inconnu dans l'équation à résoudre n'est qu'un leurre. Il le sait mieux que personne. Tout le monde n'est pas capable de se remettre en cause ou en question. Lui si. Comme tous ceux, assez rares finalement, qui cherchent vraiment des réponses.

À se demander si à force de développer des logiciels pour le CNRS, il n'aurait pas un peu débordé...

Bienveillant, il semble ne pas avoir de préjugés sur les individus, et peut tomber amoureux chaque minute. Il mate à mort. Il peut tout aborder, sans tabou. Aucun sujet qui ne vaut la peine d'être parlé. Même au milieu des souffrances, il veut se remettre droit, comme un capitaine de bateau qui danse avec les vagues et le bouillon. Son mât à bras le corps. Il accompagne le mouvement tel un zouk langoureux.

Généreux, authentique et incarné.
On sait exactement où il est.
Sur mer calme ou dans la tempête.
Il est là.
Avec son rire à déclencher des avalanches, son regard d'aigle et sa belle énergie. 
À embrasser toutes les cultures.

Il n'y a qu'à entrer dans son salon alors que la fête bat son plein : un Péruvien, une Colombienne, une Vénézuelienne, un Équatorien, une Espagnole, des Français, ses fils aussi...

Et nous on adore qu'il soit. Là. Avec ses ailes de cire et ses plumes, s'échappant du labyrinthe, à la manière du cavalier sur l'échiquier. Joueur de go.

Et nou aimé boug la. Ici a. 😘❤

Richard
Richard
Richard
Richard

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