Édith

Publié le par La Zitoune

Portrait

 

Sa chevelure blonde, une couronne lumineuse, virevolte comme un halo autour de sa tête. Elle tient difficilement en place. Petite et menue, la formule femme enfant pourrait s'imposer, mais ce serait mal la connaître. Elle a mené plus de combats dans sa vie que bien des costauds aux pectoraux développés.

Son écoute est exceptionnelle, à croire qu'elle a plus d'oreilles que les autres. Le silence qui s'installe n'est jamais embarrassant parce qu'elle l'habite sans jugement. Avec elle, on se sent suffisamment bien pour se mettre à dire des choses importantes sans réfléchir, comme avec une amie de longue date ; je ne la connais pourtant que depuis quelques mois. Dans ces moments-là, son halo reste immobile, tel un chien de chasse à l'arrêt. Elle se fige et engrange les informations. On voit qu'elle trie, range, classe et traite. Lorsqu'elle flaire une piste, elle marche face au vent et, dans le jargon des chasseurs, quête. Elle effectue une série de lacets pour bien sentir la moindre émanation, de rapides zigzags pour comprendre ce qui se dit, en profondeur. Lui parler fait un bien fou. Rares sont les gens qui savent vraiment écouter, sans couper la parole pour parler d'eux-mêmes ou donner un avis qu'on ne leur demande pas. Ce sentiment d'avoir pu aller au bout de ce qu'on avait à dire, sans batailler, est très nourrissant.

Cette femme pleine de rires redonne foi en l'Humanité. Si des gens comme elle existent, alors tout n'est pas perdu ni vain, se dit-on à soi-même. À son contact, on remplit son réservoir d'un carburant archaïque : la joie. La gentillesse est un engrais pour d'autres sentiments. Alors, ce n'est plus un effet papillon, mais un essaim de sauterelles.

Ce matin, Édith a une petite bouille fatiguée.  Elle a passé une nuit toute pourrie, me dit-elle. Je n'en demande pas les raisons, mais mon visage est suffisamment expressif pour qu'elle se lance d'elle-même dans des confidences. Mes oreilles se dressent. Je dois ressembler à un fennec. Je suis flattée qu'elle se confie à moi et mobilise toutes mes ressources pour être à la hauteur. Je ressens une tension intérieure, que je gère en tricotant mes doigts de pieds sous la table. Je m'attends à une révélation incroyable.

Elle prend une longue inspiration, s'allume une Marlboro, reprend une longue inspiration et recrache la fumée par le nez, en prenant soin de m'épargner. Elle sucre son café, le touille et l'avale d'une traite. Elle attache ses cheveux en chignon. Puis elle me dit : "Ne le répète à personne, mais j'ai ******* ******* **** ************* ****** ** ******** ****".

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Édith

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